10 septembre 2002
Washington D. C.

C’était un jour typique de la capitale de la nation, avec son climat chaud et étouffant. Les feuilles des arbres étaient vertes et la brise tiède de l’automne proche se sentait à peine. Une foule se pressait pour visiter l’aile récemment ouverte du Natural History Muséum qui abritait plus de trois mille objets amènes trouvés sur l’île Saint-Paul, sur l’Ulrich Wolf et dans les excavations découvertes dans la cité perdue de l’Antarctique.

Les membres de la famille Wolf, comme on s’en était douté, étaient sortis libres des tribunaux. Mais on avait créé une brigade internationale d’enquêteurs qui n’avait d’autre but que de maintenir tous les membres de la famille sous étroite surveillance, ils n’auraient aucun moyen de mettre au point un nouveau projet de domination du monde sans être découverts et aussitôt arrêtés. Les Destiny Enterprises n’existaient plus et, après la mort de Karl, la famille était à la dérive. Et privés de leurs énormes richesses, la plupart des Wolf durent adopter un style de vie infiniment moins luxueux.

Le gouvernement chilien s’était vite approprié les quatre gigantesques navires. Après que le fjord eut été complètement dragué pour permettre leur accès à la haute mer, les navires géants commencèrent à sillonner les sept mers, transportant une foule de passagers et des cargaisons gargantuesques, ce que l’on aurait cru inconcevable quelques années auparavant. L’Ulrich Wolf fut vendu à un conglomérat de sociétés maritimes pour une somme de trois millions de dollars, dit-on. Avec quelques modifications mineures, il fut mis en service comme ville flottante, croisant autour du monde, avec salles de réceptions et appartements privés en copropriété. On le rebaptisa Océan Paradise et il connut un immense succès, d’autant plus que les avions de ligne internationaux pouvaient atterrir et décoller de son long pont supérieur, même quand le navire était en mer.

Les trois autres gigantesques navires furent achetés par des compagnies de transport commercial et des sociétés pétrolières et devinrent bientôt un spectacle familier des plus grands ports capables de les accueillir. Ils étaient la preuve que ce genre de Léviathans étaient rentables et quelques années plus tard, six autres navires de taille comparable furent mis en construction.

L’amiral Sandecker, avec Pitt, Loren Smith, Giordino et Pat, qui étaient venus aider à l’exposition des inscriptions amènes, comptèrent parmi les invités privilégiés au vernissage de l’exposition avant que le public soit admis à la visiter. Ils avaient beau avoir vu ces objets de nombreuses fois auparavant, Pitt et Giordino étaient toujours stupéfiés par l’ampleur des trésors exposés. Ceux qui les regardaient n’en croyaient pas leurs yeux. Ils avaient du mal à imaginer qu’ils appartenaient à une race d’hommes disparue depuis neuf mille ans, bien avant que les civilisations les plus anciennes aient émergé de l’âge de la pierre.

La pièce maîtresse, sous une spacieuse rotonde de vitraux, était le groupe de momies merveilleusement conservées des gouvernants amènes, trouvées sur l’île Saint-Paul par Giordino et Rudi Gunn. Tout le monde restait muet d’admiration en présence de ces personnages qui avaient vécu et étaient morts dans un passé aussi lointain. Pitt se demandait si l’un de ces Anciens avait pu être son ancêtre direct.

Près de cinq heures plus tard, ils sortirent de l’exposition par une porte latérale que leur ouvrit un garde et traversèrent l’allée menant au nouveau Smithsonian Transportation Muséum. Loren était superbe, avec ses cheveux cannelle tombant sur ses épaules dont le soleil relevait l’éclat. Elle était vêtue confortablement d’une robe de soie bleu clair assez courte qui révélait ses jambes bronzées. Pitt portait un polo vert et un pantalon marron clair. Al et Pat avaient renoncé à l’élégance à cause de la chaleur et portaient tous les deux un short et un t-shirt. Comme deux jeunes amoureux, ils se tenaient par la main en traversant Madison Drive. Ils prirent l’allée du Mail, Sandecker en tête, tirant sur un de ses énormes cigares.

— Quand retournez-vous à la baie d’Okuma ? demanda Loren à Pat.

— La semaine prochaine.

— Et voilà ta vie amoureuse qui s’en va ! dit Loren en souriant à Giordino.

— Tu n’es pas au courant ? L’amiral me renvoie à la cité ancienne en congé sabbatique. Il m’a demandé d’étudier et de décrire les activités navales des Amènes pour les archives d’Hiram Yaeger. Pat et moi allons travailler ensemble pendant les six prochains mois.

— Ça nous laisse tout seuls, toi et moi, dit Loren en serrant la main de Pitt.

— Pas pour longtemps, répondit Pitt en embrassant doucement ses cheveux. Je pars dans deux semaines pour diriger un projet de recherches sur un volcan sous-marin qui remonte à la surface, au sud-est d’Hawaii.

— Pour combien de temps ?

— Pas plus de trois semaines.

— Je suppose que je survivrai à trois semaines sans toi, dit Loren avec un petit sourire.

Ils traversèrent Jefferson Drive au milieu de la circulation et entrèrent au Transportation Muséum. À l’intérieur, sur un hectare et demi, étaient exposés des centaines de véhicules datant de 1890 au moins. Ils étaient rangés par ordre chronologique, depuis les premières voitures en cuivre jusqu’aux plus modernes réalisations des concepteurs automobiles. En plus des voitures, tout ce qui pouvait se concevoir en matière de véhicule était représenté, depuis le camion jusqu’aux motos et aux bicyclettes.

La perle de l’exposition était le Croiseur des Neiges de l’amiral Byrd. Il était dans une galerie à un mètre cinquante au-dessous du niveau du plancher pour que le public puisse regarder par les fenêtres et les portes ouvertes. Sa nouvelle peinture rouge striée d’orange luisait sous les lampes, révélant la grande machine dans toute sa gloire.

— Ils ont fait un travail superbe pour le remettre à neuf, dit Pitt.

— C’est difficile à croire, murmura Giordino, quand on pense à l’état dans lequel il était quand on le leur a rendu. Le regard de Sandecker allait d’un bout à l’autre du Croiseur.

— C’est une magnifique pièce de mécanique. Remarquablement moderne pour un véhicule imaginé il y a près de soixante ans !

— Je me demande ce qu’il pourrait faire avec deux turbo diesels de 600 CV dans le ventre, dit Giordino d’une voix rêveuse.

— Je donnerais mon bras droit pour l’avoir dans ma collection, ajouta Pitt. Loren le regarda.

— Je crois bien que c’est la seule fois que je puisse me rappeler où tu n’as pas pu rapporter à la maison un souvenir à roues de tes aventures.

— Il appartient au public, dit-il en haussant les épaules.

Ils restèrent plusieurs minutes à admirer le Croiseur des Neiges tandis que Pitt et Giordino repensaient à leur folle équipée dans le désert glacé de l’Antarctique. Puis, un peu à contrecœur, ils quittèrent le grand véhicule et parcoururent les allées, regardant les autres pièces exposées. Enfin ils retrouvèrent l’entrée principale.

Sandecker regarda sa montre.

— Bon, il faut que je file.

— Un rendez-vous galant ? demanda Giordino.

Il était de notoriété publique que, depuis son divorce, plusieurs années auparavant, l’amiral était un des célibataires les plus recherchés des dames de la ville. Ne s’engageant jamais, il se débrouillait pour rendre ses amies féminines heureuses, sans les irriter ni les décevoir.

— Je déjeune avec le sénateur Mary Conrow et j’aurais du mal à considérer ça comme un rendez-vous galant.

— Vous n’êtes qu’une canaille ! dit Loren. Mary est un membre important de la commission du budget. Vous la chouchoutez pour l’amener à voter une augmentation du budget de la NUMA.

— Ça s’appelle mêler les affaires au plaisir.

Il embrassa les deux jeunes femmes sur les joues, mais ne serra pas la main des hommes. Il les voyait tous les jours, mais ce n’était pas une raison pour agir en copain, bien qu’il considérât Pitt et Giordino comme ses fils.

— Nous partons aussi, dit Pat. Nous avons promis à Megan de l’emmener manger un hamburger et d’aller au cinéma.

— Que diriez-vous de venir dîner chez moi vendredi ? proposa Loren, un bras autour de la taille de Pitt.

— D’accord pour moi. Ça te va, chéri ? demanda Pat à Giordino.

— Loren fait des pâtés de viande à mourir.

— D’accord pour le pâté de viande, accepta Loren en riant.

Le soleil se couchait à l’horizon, passant d’une petite boule dorée à une vaste sphère orange. Pitt et Loren étaient assis dans l’appartement au-dessus du hangar et bavardaient en buvant un verre de tequila et en écoutant de la musique. Elle était nichée sur le divan, appuyée contre lui, les jambes repliées.

— Je n’ai jamais compris comment les femmes pouvaient faire ça, dit-il entre deux gorgées de tequila.

— Faire quoi ?

— S’asseoir sur leurs jambes. Je ne peux pas plier les miennes assez loin et, si je le pouvais, ma circulation s’arrêterait et elles s’engourdiraient.

— Les hommes sont comme les chiens, les femmes comme les chats. Nos articulations sont plus souples que les vôtres. Pitt leva les mains et s’étira.

— Et voilà. Dimanche se termine. Demain, je repars étudier des rapports océanographiques et toi, tu vas refaire des discours sans intérêt au Congrès.

— Mon mandat s’achève l’année prochaine, dit-elle. Et je me demande si je vais me représenter. Il la regarda curieusement.

— Je croyais que tu avais l’intention de vieillir au Congrès ?

— J’ai changé d’avis. Quand j’ai vu le bonheur de Pat et d’Al, j’ai réalisé que si je voulais avoir des enfants pendant que je le peux encore, il valait mieux trouver un homme bien et poser mes valises.

— Je n’arrive pas à croire ce que j’entends !

Elle lui lança un regard faussement interrogateur.

— Tu ne veux pas m’épouser ?

Il fallut un moment à Pitt pour digérer ses paroles.

— Si je me rappelle bien, quand je t’ai proposé de m’épouser dans le désert de Sonora, après l’affaire de l’or des Incas, tu as refusé ?

— Ça, c’était à l’époque.

— Je ne te l’ai plus jamais demandé. Comment sais-tu si je n’ai pas changé d’avis ?

Elle le regarda droit dans les yeux, se demandant s’il était sérieux ou s’il plaisantait.

— Tu te dégonfles ?

— Pouvons-nous vraiment changer notre façon de vivre ? demanda-t-il avec franchise. Tu as encore ton siège à la Chambre des Députés et ta luxueuse maison à Alexandria. J’ai mon appartement et ma collection de voitures dans ce vieux garage rouillé au-dessus duquel on entend les avions décoller et atterrir. Comment pourrions-nous faire avec ça ?

Elle l’entoura de ses bras et le regarda avec amour.

— J’en ai assez de jouer les indépendantes et les individualistes. Ça m’a plu jusqu'à présent, mais il est temps de me montrer pratique. Il y a d’autres projets que j’aimerais entreprendre.

— Lesquels ?

— On m’a proposé de prendre la direction de la Fondation Nationale pour l’Enfance Maltraitée.

— Ça, c’est pour ta carrière. Et pour la vie de tous les jours ?

— On pourrait alterner, une semaine ici, une semaine dans ma maison en ville ?

— Tu appelles ça être pratique ?

 Elle prit soudain un ton désinvolte.

— Je ne sais pas quel est ton problème. De toute façon, nous passons presque tout notre temps libre ensemble. Il la serra davantage et l’embrassa.

— D’accord, puisque tu me le demandes gentiment, je vais réfléchir à la possibilité de t’épouser.

Elle le repoussa et fit semblant de bouder, sachant très bien qu’il la taquinait.

— D’un autre côté, je pourrais regarder autour de moi. Il doit y avoir des centaines d’hommes, un peu partout, qui sauraient m’apprécier. Je suis sûre de pouvoir trouver mieux que M. le Très-Haut et Très-Puissant Dirk Pitt.

Pitt la serra très fort et plongea dans ses yeux violets.

— Pourquoi perdre ton temps ? Tu sais que c’est impossible.

— Tu es incorrigible.

— Il peut arriver des tas de choses au cours de l’année à venir.

 Loren mit ses bras autour du cou de Pitt.

— C’est vrai, mais ce qui sera le plus amusant, ce sera de faire en sorte qu’elles arrivent.

Atlantide
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